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22/12/2014

Face à Koons, qui ? l'université...

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"L'artiste trader" jugé par Didier Vivien (photo) :


 

Didier Vivien est maître de conférences en art visuel à l'université de Lille-III. Il vient de publier Esthétique d'un trader, essai* sur l'art contemporain qui règle son compte à Jeff Koons  dans le cadre d'une « critique des interactions entre économie, art et culture ». Etre pour ou contre Koons n'a rien à voir avec la querelle des anciens et des modernes, explique l'éditeur : « la finance, la communication, le mainstream, etc, ont rendu la société néolibérale morose et oxymorique (le désenchantement enchanté, l'aliénation libertaire, le socialisme libéral, le cynisme convivial, la transgression normative...) Faudrait-il ajouter les oeuvres d'art les plus courues à la liste des nuisances et des nourritures spirituelles frelatées ? »

Cette dernière question trouve sa réponse dans le livre, et dans une tribune de Didier Vivien parue ce matin**. Extraits :

<< L'estime ne saurait aller à celui [Jeff Koons] qui abuse de la candeur tout en considérant l'art comme un tombeau de luxe pour les actionnaires qui ne savent plus quoi faire du capital qu'ils ont extorqué à la terre entière. […] Tout ce que la société actuelle a de désastreux se cristallise dans son oeuvre et sa personne. […] Le règne unilatéral du divertissement, de la bourgeoisie financière et de la prolétarisation de la middle class, la compromission de l'art moderne en fin de partie avec la marchandise, la mode et la communication – et cette fameuse acceptation du monde... […] Il nous faudrait accepter la financiarisation des rapports humains et l'idiotisation de notre horizon commun. Il y a dans l'oeuvre de Koons un désir de naufrage, une pulsion de mort encapsulée dans un paquet cadeau que son optimisme bouffon tente vainement de nous vendre pour 58 millions de dollars. […] Si une exposition de cet acabit est destinée à drainer un large public – dit populaire – pour faire des recettes, comme l'admet le président du centre Pompidou, et sensibiliser les braves gens à la création contemporaine en leur présentant ce que l'avant-gardisme, arrivé au bout de lui-même, peut engendrer de plus cynique, il n'est pas sûr que cette stratégie soit la bonne, sauf à vouloir convaincre le grand public que ce monde, dont le marché de l'art est la parodie, est décidément inique. » 

Vivien écrit : « Voulant abolir les ségrégations sociales, les hiérarchies de goût, l'artiste trader [Koons] garantit la principale : la ségrégation économique et financière, tout en se faisant l'histrion pathétique de l'engeance managériale...»  C'est confirmer sur le plan culturel la prescience du livre de 1998 Le nouvel esprit du capitalisme (Boltanski-Chiapello).

A toutes les raisons d'étudier ce livre et de le faire connaître, ajoutons-en deux qui sont réconfortantes :

1. l'université résiste à l'industrie du divertissement : Vivien enseigne et il n'est pas seul en son genre ;

2. quand il signale la « pulsion de mort encapsulée dans un paquet cadeau », il parle comme Jorge Bergoglio, et avant lui Joseph Ratzinger et Karol Wojtyla. La notion papale de « culture de mort » est loin de s'en tenir aux atteintes à la vie humaine, comme le croient des réductionnistes ; elle replace ces atteintes dans le contexte de la marchandisation de tout (y compris l'humain) et de la ségrégation par l'argent : cf par exemple François, La joie de l'Evangile § 59.

- Comment aider à la convergence de la critique sociale catholique et de la critique sociale universitaire ? Comment pouvons-nous aider les intellectuels catholiques à se désencombrer du conformisme managérial (comme dit Vivien) et à accéder à la liberté critique, seule issue à la panne de civilisation ?

 

____________ 

* éd. Sens & Tonka, novembre 2014.

** Libération Rebonds, 22/12.

 

Commentaires

TOUT

> Encore un malveillant qui oublie qu'il ne faut pas juger et qu'il y a du bien dans tout.
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Écrit par : zrak / | 22/12/2014

BERNÉS

> Koons et ceux qui l'exposent ne sont pas les premiers qu'il faut critiquer. Au moins ils profitent.
C'est le peuple qui se laisse berner, détrousser et ridiculiser aussi facilement. Pire, avec empressement.
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Écrit par : RH / | 22/12/2014

LA RÉPONSE

> La réponse à votre question est donnée dans le message-clé du P. Cantalamessa dans votre précédent article.
Cordialement.
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Écrit par : Recto-Verso / | 22/12/2014

LE CONTRIBUABLE

> En fait, ça ne prend pas tellement auprès du grand public: c'est pourquoi il a fallu l'imposer en l'exposant dans le palais de Versailles. de même qu'on a déja exposé les dondaines de Botero dans Paris ou fait emballer le pont Neuf par Christo. Pas grave, le contribuable paye et le terrorisme intellectuel lui explique que s'il n'aime pas c'est un plouc.

Signé: un plouc fier de l'être.
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Écrit par : Pierre Huet / | 22/12/2014

LE PROBLÈME

> Vivien dit évidemment des choses parfaitement justes.
Le problème, pas neuf, est que les universitaire sont de moins en moins écoutés et que les nouveaux recrutements favorisent ceux qui adhèrent à l'idéologie dominante (par les sujets de thèse qui peuvent vous ouvrir des portes comme par la définition très précise, sans marge de liberté, des postes proposés).
Il est intéressant de voir que l'idée de culture de mort ou de culture du déchet n'est pas réservée au pape et aux chrétiens, parce que c'est quelque chose qui s'exprime dans tous les domaines de la vie de l'homme actuel.
En architecture, que je connais mieux, il est intéressant de voir les trois projets récents : fondation Vuitton, tours Masséna et musée des Confluences. On ne peut qu'être frappé par leur aspect déstructuré, et par l'abandon de toutes les notions traditionnelles de stabilité, d'ancrage dans le sol, d'ascension vers le ciel. Toute œuvre antérieure, dans l'histoire des créations importantes de l'architecture, faisait symboliquement écho à la position ontologique de l'homme entre terre et ciel. C'est pourquoi l'arc de triomphe, le torii japonais ou le portique grec, par exemple, ont marqué toute l'architecture avant d'être renvoyés aujourd'hui dans le néant du passé.

Ce n'est pas seulement la transcendance qui disparaît, mais l'homme lui-même. Cela a commencé par une propagande de destruction des symboles. Ainsi Buren explique que, ayant remarqué l'importance des colonnes au Palais Royal, il a simplement voulu les multiplier. Seulement les colonnes existantes formaient des portiques, qui avaient une signification symbolique importante dans la civilisation européenne (abri, construction de l'homme reliant la terre et le ciel, …). En multipliant les colonnes de toutes les hauteurs et ne supportant rien, puis en ajoutant les rayures qui sont sa marque, Buren détruit le symbole. Il n'y a plus de transcendance ni de recherche de la place de l'homme dans le cosmos, mais seulement un individu se revendiquant artiste qui parasite et tue une civilisation pour imposer son Moi.
En architecture comme dans d'autres art, le soi-disant artiste, reproduisant le phénomène des tags ou la concurrence commerciale, détruit un environnement culturel pour imposer sa marque.
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Écrit par : Guadet / | 22/12/2014

à Guadet,

> merci pour votre éclairante leçon d'architecture! Il existe encore de très belles réalisations, qui s'inspirent du passé pour répondre aux enjeux économiques, écologiques et sociaux d'aujourd'hui, dans une belle coopération Nord-Sud: je pense ici à la voûte nubienne, dont je vous invite à visiter le site.
http://www.lavoutenubienne.org/fr/visiter-une-vn
(Patrice, je ne sais pas si on peut mettre une photo du site sur votre blog? C'est vraiment beau je trouve!)
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Écrit par : Anne Josnin / | 22/12/2014

BEAUTÉ NATURELLE

> Le bel exemple donné par Anne Josnin est très intéressant, très pertinent, il montre la beauté en quelque sorte "naturelle", spontanée, qui ressort de l'emploi de matériaux traditionnels et issus de leur terroir. Cette beauté apparaît lorsqu'il y a un accord entre la forme et les lois physiques, statiques ou dynamiques auxquelles la réalisation obéit, c'est vrai de la croisée d'ogive à l'aile élégante de l'A350.
L'antithèse en est l'effarant musée des Confluences ou l'usage du béton et de l'acier a permis de réaliser des forme aberrantes en terme d'équilibre. Ceci au prix d'une surconsommation de matériaux nécessitée par ces structures, excusez..... déconnantes, par la multiplication des porte-à-faux. Ce qui explique son coût démentiel (plus de 5 fois la prévision).
http://www.huffingtonpost.fr/2014/12/19/musee-des-confluences-lyon-polemiques_n_6341420.html
Certaine photos font penser aux machines de guerre sur pattes d'un épisode de "La Guerre des Etoiles", je ne sais plus lequel.
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Écrit par : Pierre Huet / | 23/12/2014

@ Anne Josnin

> Très juste, le progrès ne passe pas forcément par la technologie ou l'industrie, qui sont très polluants. Depuis plus de cinquante ans déjà des architectes proposent des alternatives. Mais ce n'est pas encouragé. Au nom de la prétendue "croissance verte" on favorise l'industrie et non une véritable architecture écologique.
______

Écrit par : Guadet / | 26/12/2014

Les commentaires sont fermés.